06/02/25
« Le Canard » remet vivement les pendules à l’heure après un article aux nombreuses erreurs factuelles publié par nos confrères de Mediapart et nous accusant de maltraiter nos journalistes pigistes.
Le saviez-vous ? « Le Canard », sous des dehors rieurs et bon enfant, serait en réalité un esclavagiste sans cœur et menaçant. Le sujet est d’une telle gravité que notre très confraternel confrère Mediapart vient d’y consacrer un long réquisitoire en forme d’article tout en nuances, intitulé « Au “Canard enchaîné”, le traitement des précaires continue de déchaîner la colère ». Et de préciser que, si tous les témoignages sont anonymes, c’est « par peur des représailles ». Enfer ! Nous ferions régner la terreur en plus de l’arbitraire.
Qui sont les précaires en question et comment sont-ils rémunérés ? Ce sont des journalistes pigistes, qui ne font pas partie de la rédaction permanente, peuvent avoir d’autres employeurs et sont payés au nombre d’articles qu’ils proposent et qui sont acceptés, ou qui leur sont demandés. Le tarif de base est de 168 euros le feuillet (1 500 signes). Ce montant peut être supérieur si l’enquête est complexe ou s’il s’agit d’un scoop. Pour le trimestriel « Les Dossiers du Canard », ce tarif plancher est de 120 euros.
31/01/25
(…) Michel Gaillard, 80 ans, président du Canard depuis 1992, touchait plus de 300 000 euros par an avant de prendre sa retraite en 2017 et d’empocher 100 000 euros de prime de départ. Après cette date, il est resté président du journal jusqu’en 2023, payé 100 000 euros par an environ, en plus d’autres rémunérations. « Depuis cinq ans, je perçois une pension de retraite, plus une retraite complémentaire, plus une retraite chapeau spécifique au journal. En outre, je touche un salaire mensuel de 5 000 euros du Canard enchaîné comme journaliste », détaillait-il aux policiers en 2022.
Au cours de son audition, interrogé sur le mauvais traitement de certains pigistes, il dit ne pas comprendre les critiques puisque son journal payerait « plus que les autres journaux ». L’ex-patron, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations, a aussi été questionné sur le témoignage du dessinateur Yan Lindingre publié par le média Blast. « Nous, les petits pigistes, on est vraiment de la merde au Canard. Méprisés, ignorés : travailleurs pauvres dans une boîte riche », témoigne celui qui est toujours pigiste pour le « Palmipède ».
(…) Surtout, une dizaine de pigistes est très privilégiée etbénéficie d’un salaire fixe sans salariat permanent. Frédéric Haziza, salarié sur la station Radio J et évincé de la rédaction de la chaîne LCP pour des violences sexuelles, est l’un d’eux. Il collabore depuis 1991 et pige régulièrement pour « La mare aux canards », la page 2 du journal.
C’est un des pigistes les mieux traités : un salaire fixe de 100 000 euros par an et les mêmes avantages que les autres journalistes. « Rien ne justifie ce salaire, commente une journaliste. Mais au Canard, c’est le fait du prince. Si tu t’entends bien avec le patron, c’est le jackpot. » « Il y a des gens qui travaillent vraiment beaucoup et Frédéric Haziza fait partie de ceux-là », corrige Érik Emptaz.
L’opacité des rémunérations est également pointée lors des auditions, « pas forcément basées sur le travail accompli, mais plus sur des motifs qui tiennent au copinage ». Avant l’enquête policière, la plupart des salarié·es ignorent la rémunération de la direction. « Personne ne savait que les salaires de nos deux ex-patrons étaient aussi ahurissants », commente une salariée.