L’enseignement du français est mis à rude épreuve. Mais les enseignants rivalisent d’inventivité pour susciter l’intérêt des élèves. Les professeurs ne baissent pas les bras mais ils tiennent à alerter : « Certains enfants ne parlent pas français à la maison quand d’autres sont très suivis à la maison, il y a une vraie disparité entre eux » , remarque Ségolène, enseignante titulaire depuis deux ans dans une école privée catholique de Thonon-les-Bains..
«Madame, c’est quoi une “marge” ?» Cette question, posée par un élève de CM1 à une institutrice de Haute-Savoie que Le Figaro a interrogé, illustre un problème grandissant dans les salles de classe : la maîtrise de la langue recule, et avec elle, le nombre de mots acquis par les écoliers. De plus en plus d’enseignants témoignent de la difficulté à transmettre le français à des élèves dont les bases sont fragiles. Entre l’influence des écrans, la baisse de la lecture et des méthodes d’apprentissage en perpétuelle adaptation, la transmission de la langue devient un véritable défi. « Mes élèves manquent de vocabulaire, de ce fait tout est plus sous tension parce qu’ils ne parviennent pas à exprimer ce qu’ils ressentent, par exemple quand il s’agit de régler un conflit avec un camarade » , constate Astrid, institutrice d’une classe de CE2 dans une école privée située dans un quartier défavorisé de Marseille. […]
Les difficultés ne se cantonnent pas uniquement à la grammaire ou au vocabulaire. La lecture ressemble désormais à un parcours du combattant. « Il est attendu d’un élève de CM1 qu’il sache lire jusqu’à 100 mots par minute sur un texte qu’il ne connaît pas forcément, or j’en ai qui ne sont pas capables d’en lire plus de quatorze par minute » , témoigne Ségolène, enseignante titulaire depuis deux ans dans une école privée catholique de Thonon-les-Bains. « Ils ne maîtrisent plus le passé simple, abonde Clémentine, professeur de français latin-grec au lycée puis au collège près de Draguignan . Lire Balzac ou Hugo est devenu très difficile pour eux, la maîtrise de la langue est un vrai frein. » Or, pour enrichir ce vocabulaire qui leur manque, la lecture est la solution. C’est le serpent qui se mord la queue : pour certains, lire représente une montagne. « C’est comme si on leur donnait un livre de chinois, au bout d’un moment ils s’arrêtent, raconte Astrid qui encourage tant bien que mal ses élèves à lire. » […]
Tous les enseignants interrogés par Le Figaro pointent du doigt l’omniprésence des écrans, qui modifie la relation des élèves à la langue et leur concentration en classe. « J’ai un groupe de huit élèves qui m’ont raconté leur week-end à jouer à Fortnite et à la console » , raconte Ségolène. « Certains y sont tellement addicts qu’ils rejouent dans leur tête des scènes de leurs jeux vidéo, je les entends par exemple fredonner des petites chansons de Squid Game.» […]
« C’est beaucoup plus compliqué qu’avant de susciter leur intérêt, plussoie Aude Denizot, institutrice depuis 2008 et membre du collectif “Éducation Numérique Raisonnée”. Ils sont tout le temps surexcités.» Comment captiver des élèves qui préfèrent les vidéos courtes aux romans, les messages abrégés aux phrases construites ? […]