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Sur Instagram ou dans les bistrots branchés, nappes à carreaux et opulentes agapes s’affichent en grande pompe. Une nostalgie qui, sous le couvert de l’authenticité, cultive une certaine idée de la tradition… Au risque de verser dans un chauvinisme un peu rance ?

Portraits de volailles dessinées au fusain, trophées de chasse et énorme frigo rempli de carcasses : bien arrivé chez Gueuleton, le temple de la ripaille niché dans le cossu quartier parisien de Saint-Germain-des-Prés. A l’intérieur de cet établissement ouvert en mai 2024, des plats traditionnels quasi tous estampillés francais : carré d’agneau, côte de cochon ou encore T-bone de veau de 300 grammes. Ici, pas de choix végétariens, mais de la barbaque à gogo.  […]

Depuis quelques années, la cuisine roborative du terroir sort du placard. Rien que sur M6, l’émission diffusée en fin d’après-midi « La meilleure cuisine régionale, c’est chez moi ! » réunit près d’un million de téléspectateurs. En tête d’affiche, Norbert Tarayre, qui met sa gouaille et sa franchise au service du programme. « Nous, ce qu’on vient chercher, c’est une tradition », martèle l’ex-candidat de « Top chef », en dégustant un « oreiller de la Belle Aurore » [spécialité de pâté en croûte de la taille d’un oreiller, à base de volaille, de cochon, de gibier, de morilles et-ou de truffes] ou un pounti auvergnat [pâté composé de farine, d’œufs, de lait, de feuilles de blette, de lard et de pruneaux] . Tant pis si l’éloge autour de la popote de grand-mère sent parfois un peu le renfermé. […]

D’autres influenceurs « terroir » cultivent l’amour du gras, avec, en toile de fond, un chauvinisme passéiste à la sauce « avant, on savait vivre ». C’est le cas de Timothée Martin, alias Grand Gaulois (134 000 fidèles sur YouTube, 475 400 sur TikTok), trentenaire nostalgique des années 1950 qui, entre autres activités, chante Ah que nos pères étaient heureux, décapite un coq ou prépare de la terrine de sanglier. Même ambiance bonne franquette chez @les moustachusenvadrouille (96 000 abonnés sur Instagram) : ces trois adonis portant marinière et béret sillonnent le « plus beau pays du monde » tout en se gavant de victuailles. «  Pas mal non ? C’est français », disent-ils en préambule de chaque post. […]

Pour Nora Bouazzouni, cette promotion idéologisée de la ripaille est la manifestation d’une forme de « gastronationalisme » où la cuisine devient un outil d’affirmation identitaire. Philippe Goetzmann, consultant spécialiste de l’industrie agroalimentaire, nuance : selon lui, l’ « image réactionnaire »des mouvements « ripaille » refléterait un pan de la société qui se sentirait « menacé dans ses traditions et son identité, face à un discours médiatique antiviande ». […]

Le Monde

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